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21 septembre 2010 2 21 /09 /septembre /2010 09:27

SOUVENIRS

RAMEAUX

Rien n'annonce encore le printemps prochain: les jours peinent à grignoter les nuits et après des embellies et des douceurs trompeuses, l'hiver s'enrage encore à coup de bourrasques ou de gelées. Pâques approche pourtant à grands pas. Le printemps, c'est dans les têtes qu'il commence à se dessiner: on prépare la fête des Rameaux. Yvonne, ma grand-mère, est athée mais ne néglige pas les traditions. Elle donne régulièrement son obole au denier du culte et me confie une modeste branche de buis pour que j'aille la faire bénir lors de la messe des Rameaux.

Ce dimanche là est un grand moment de fête dans la nef de l'église paroissiale bondée, car croyants et mécréants s'y retrouvent pour la bénédiction traditionnelle. La branche de buis sera disposée par les uns et les autres sur le toit de la plus haute armoire de la maison, invisible talisman sensé la protéger du malheur. Les gens s'entassent donc dans l'église et les places assises manquent. Beaucoup restent debout, regroupés sur les bas-côtés, au fond, sous la tribune de l'orgue où officie mademoiselle Martin, parfois même sous le porche à l'entrée. Avec celle de la messe de Noël, c'est certainement la plus grande affluence. Et c'est un peu la même allégresse qui parcourt la foule rassemblée. Pour peu que le temps s'y prête, les filles et les femmes se sont risquées à s'habiller plus légèrement et en couleurs. Mais ce n'est pas ce qui rend le moment si particulier. Car si certains, comme moi, n'apportent qu'un petit rameau, beaucoup se sont donnés la peine d'apporter de beaux bouquets de branches, joliment décorés de guirlandes et de cornettes. Les cornettes, ce sont ces petites pâtisseries en forme de croissants, et parfois de galette, dures et fades, préfaçant déjà la pénitence du carême. Mais dans la circonstance, elles font partie de la fête, avec leur couleur dorée avivée par la lumière des cierges et des lustres.

Le prêtre célèbre la messe dans le bruissement des végétaux, frémissement joyeux et impatient. Il règne une atmosphère à la Daudet dans les Trois messes basses. Le plantureux repas familial et amical attend chacun des fidèles.

Enfin arrive la bénédiction. Au moment où le prêtre, qui officie encore en latin, lève le bras pour tracer le signe de croix, les paroles sacrées qui les accompagnent, "in nomine patris...." sont couvertes par le bruissement des buis que tous ont levés haut et qui tremblent comme par le souffle d'un invisible vent. Cette forêt poussée brusquement sous l'effet d'un simple signe et de quelques mots, tapisse toute la nef qui résonne  de ses tressaillements...

Puis, tout retombe comme si le vent mystérieux s'était calmé et c'est alors la rumeur joyeuse des congratulations. Les arbustes au vert sombre semblent tout auréolés du pouvoir énigmatique dont la bénédiction rituelle les a saupoudrés. Et la file se forme pour gagner la sortie. 

Un gâteau fraîchement confectionné sur commande attend chez Roux ou Ducourtieux. La journée sera belle.

 

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